Les anashîd, une interdiction ?

Aujourd’hui encore, nous pouvons constater les critiques, blâmes voire des mises en gardes, envers les frères et sœurs qui écoutent des anâshîd. Il est vrai que les anâshîd ne sont pas autorisés dans l’absolue, mais sous certaines formes et conditions, ils sont permis.


Il est étonnant de voir certains s’acharner sur un sujet qui relève du domaine de l’Ijtihad (effort de réflexion) et de vouloir impérativement imposer son avis. Certes, ce comportement n’est pas celui des traditionalistes (salafs as-salih), ni même de ceux qui sont venu après eux. Comme l’explique Sheïkh Ibn Taïmiya, c’est plutôt un comportement de sectaire que d’imposer un seul avis et restreint ce qu’Allah a élargi.

Il est important d’agir conformément à la Salafiya car il ne suffit pas de s’y affilier pour y adhérer pleinement, mais nous devons faire suivre cette affiliation par ce qui est correct dans les actes et paroles. Ceci afin de s’écarter de tout sectarisme et faire de la Salafiya un groupe plutôt qu’une méthodologie.(voir article)

Avant tout chose, nous devons éclaircir un point qui concerne certains savants pointilleux tels que Sheïkh el-Albani, Sheïkh e-Fawzan et d’autres, sur le terme de « anâshîd islamiques ». Ils expliquent que ce terme n’a aucun fondement chez les traditionalistes, et qu’ils n’existent pas d’anâshîd islamiques. C’est ce dont Sheïkh el-Albani nous explique :

« Ces anâshîd sont appelés aujourd’hui autrement que par leur nom. On les appelle anâshîd islamiques. Or, on ne trouve rien en Islam qui s’appelle anâshîd islamiques, on y trouve plutôt la poésie. Le Prophète ﷺ a dit : « Il y a certes de la poésie dans laquelle il y a une sagesse. » [1]

Quant au fait de chanter des poèmes et de les appeler anâshîd islamiques, c’est une chose qui était inconnue des traditionalistes, surtout s’ils sont accompagnés de certains instruments de musique tels que le tambour.

En résumé, nous dirons qu’il n’existe point de anâshîd islamiques, mais plutôt des poèmes aux significations délicates. Il est permis de les chanter, soit individuellement soit dans des rassemblements comme lors des mariages. En effet, dans un hadith, ‘Âisha relate qu’elle revint d’un mariage des Ansâr. Le Messager d’Allah ﷺ lui demanda : « Avez-vous chanté pour elle, car les Ansâr aiment la chanson ?
– Que durions-nous, ô Messager d’Allah ?, répondît-elle.
– Dites : « Nous sommes venus chez vous, nous sommes venus chez vous. Saluez-nous, nous vous saluerons. N’était-ce le froment rouge, vos vierges ne seraient pas charnues », répliqua le Messager d’Allah ﷺ ».

Ceci est un poème, mais ce n’est pas un poème islamique. Il s’agit tout simplement d’un poème pour se divertir avec des paroles qui sont permises. » [2]

Le Sheïkh e-Fawzan a aussi des paroles dans ce sens lorsqu’il est questionné par un commerçant qui vend des anâshîd islamiques afin de savoir le jugement religieux sur cette vente, puis de répondre :

« Les anâshîd islamiques ne les vend pas, il n’y a pas de anâshîd islamiques, les anâshîd ce sont des musiques, dit seulement anashîd, ne dit pas « islamique ». Il n’y a pas dans l’islam de anâshîd ceci est un nom moderne/innové et la plus part des anâshîd sont soit aux soufis car ils l’utilisent comme une adoration ou elles sont aux hizbi qui ont un minhaj spécial et ils encouragent à les suivre avec ces anâshîd, donc les anashîd sont souvent spécifique à eux, leur emblème.» [3]

Dorénavant nous pouvons comprendre toutes les fatawas de ces savants qui interdisent les anashîd de manière absolue, car désignant en réalité la musique. Mais concernant ce que les gens appellent « anâshîd » ou « anâshîd islamiques » pour désigner, aujourd’hui en France, les bandes sonores comportant des paroles saines, et des rappels, tout en étant dépourvu d’instruments de musiques ; ces savants les autorisent sous certaines conditions. En cela la divergence est plus sous la forme que le fond.

Dans le but que le lecteur ne s’y perde pas dans les termes de ce qui est visé ici, nous gardons celui de « anâshîd » car répandue au sein des gens à notre époque.

Afin de connaître le statut des anâshîd, sous quelles formes et conditions nous pouvons les écouter, nous retournons auprès du Sheïkh Ibn Baz رحمه الله, questionné en ces termes :
« Quel est le jugement légal sur l’écoute de cassettes d’anashîd islamique? »

Dont il répond de la manière suivante :

« Les anâshîd sont divers, si ils sont sains et ne contiennent que de l’appel au bien et le rappel du bien et l’obéissance envers Allah et Son Messager et l’appel à préserver les patries de la ruse des ennemis et la préparation contre les ennemis et ce qui y ressemble , il n’y a rien [de mal] en cela mais s’ils contiennent autres choses que cela comme l’appel à la désobéissance et le mélange des femmes avec les hommes ou qu’elles se dévoilent auprès d’eux ou n’importe qu’elle corruption qui soit, il n’est pas permis de les écouter. » [4]

Le Sheïkh fait clairement la distinction entre les anâshîd permis qui poussent au rappel ainsi qu’au bien, et ceux qui sont interdit qui mène aux maux, tel que les musiques que l’on connait en notre temps. Ceci nécessite d’ailleurs plus de détails, justement soulevés par le Comité Permanent de l’ifta, dont le Sheïkh Ibn Baz en était le président.

Un groupe de jeunes musulmans ont décidé de se repentir et revenir à l’obéissance d’Allah, mais comme la plupart des jeunes de nos jours attirés par la musique, ils demandent si la substituer par des anâshîd comporte un mal :

« Nous sommes conscients de l’interdiction des chansons aujourd’hui, en raison de leurs paroles vulgaires, obscènes et futiles, et l’utilisation des instruments de musique. Nous sommes des jeunes musulmans dont Allah a éclairé les cœurs, et nous avons besoin d’un substitut. Nous avons alors choisi les chansons islamiques (Anâchîd Islâmiyya) qui contiennent de l’exaltation, de l’émotion, ainsi de suite. Ces Anâchîd sont sous forme de vers poétiques […]. Quel est le regard de la religion sur ces Anâchîd islamiques qui ne contiennent que des paroles ferventes et de l’émotion, écrites par des prêcheurs contemporains et passés, et des paroles sincères qui décrivent l’islam et y invitent ? Comme ces Anâchîd sont accompagnés du Duff (sorte de tambourin), est-il permis de les écouter ? Je sais, et ma science est limitée, que le Prophète, prière et salut d’Allah sur lui, a permis de frapper du tambour la nuit du mariage. Faites-nous profiter de votre science, qu’Allah vous guide vers ce qu’Il aime et agrée. »

La réponse du Comité est la suivante :

« Vous avez dit vrai quant à l’interdiction des chansons tels qu’on les connaît aujourd’hui, à cause de leurs paroles vulgaires et malsaines, sans aucun bien, mais qui sont plutôt source de distraction futile, et d’excitation des passions, des instincts charnels et de la perversion, qui pousse celui qui les écoute vers le mal. Qu’Allah nous guide vers ce qu’Il agrée.

Il est donc permis de remplacer cela par des chants islamiques contenant des sagesses et des rappels qui incitent à la ferveur, à la défense de la religion, qui excitent les émotions islamiques, éloignent du mal et de ses causes, afin de pousser celui qui les écoute à obéir à Allah, à s’éloigner de Sa désobéissance, de la transgression de Ses limites, et incitent au Jihâd dans la voie d’Allah.

Cependant, on ne doit pas prendre cela comme une habitude qu’on garde, mais on peut les écouter de temps en temps, dans des occasions comme le mariage, en voyage pour le Jihâd dans la voie d’Allah et autre, ou quand il y a un découragement pour le bien, afin d’inciter les gens à faire le bien, et quand les âmes penchent vers le mal, afin de réprimer ce penchant et de les en écarter.

Mais il est préférable de lire une partie du Coran et un ensemble de rappels prophétiques authentiques, car c’est le meilleur moyen pour purifier les âmes, le plus sûr pour apaiser les cœurs. Allah, le Très-Haut a dit : « Allah a fait descendre le plus beau des récits, un livre dont [certains versets] se ressemblent et se répètent. Les peaux de ceux qui craignent leur Seigneur frissonnent [à l’entendre] ; puis leur peau et leur cœur s’apaisent au rappel d’Allah. Voilà [le Livre] guide d’Allah par lequel Il guide qui Il veut. Mais quiconque Allah égare n’a point de guide. » [5] et « Ceux qui ont cru, et dont les cœurs se tranquillisent à l’évocation d’Allah. N’est-ce point par l’évocation d’Allah que se tranquillisent les cœurs ? * Ceux qui croient et font de bonnes œuvres, auront le plus de bien et aussi le meilleur retour. » [6]
Le quotidien des Compagnons et leur préoccupation étaient d’accorder la plus grande importance au Livre d’Allah et à la Sunna du Prophète, prière et salut d’Allah sur lui, en les étudiant, en les apprenant par cœur et en les mettant en pratique. Mais ils avaient des refrains ou des phrases courtes qu’ils déclamaient par exemple, lors du creusement de la tranchée autour de Médina, la construction de la mosquée, dans le Jihâd et d’autres circonstances, sans que cela soit leur devise et sans leur consacrer toutes leurs préoccupations et tous leurs soins, mais seulement pour réconforter leurs âmes et raviver leurs sentiments.

Par contre, le tambour et tout autre instrument de musique ne doivent pas accompagner ces chants, car le Prophète, prière et salut d’Allah sur lui, et ses Compagnons ne l’ont pas fait. C’est Allah Qui guide vers le droit chemin et prières et salut d’Allah sur notre Prophète Muhammad, sa famille et ses Compagnons. » [7]

Ce qui en ressort, premièrement est de faire en sorte que ni tambour et tout autre instrument de musique n’accompagne les anâshîd. Deuxièmement si le nashîd (sing. Anâshîd) est exempté de tout instrument, on se doit de regarder les paroles : est-ce des paroles saines ou non ? Si ces paroles sont saines alors c’est permis car c’est une cause de réforme et qui peut mener à l’obéissance, sans pour autant que ça remplace le Quran. Mais il est tout de même meilleur et préférable, d’écouter du Quran, un cours d’un savant et autres bandes sonores autant profitable et efficace à la purification de l’âme. Sheïkh el-Otheïmîne en tire les mêmes conclusions. [8]

D’autres savants ont aussi été interrogé sur la question, tel que le Sheïkh Abd el-Karim el-Khoudhaïr, qui était un des membres du Comité Permanent de l’ifta :

« Les anâshîd en général, si le contenue est autorisé (ne dit pas des paroles interdites) et n’est pas accompagné d’instrument musicaux interdit d’utilisation dans la Shar3ia, alors c’est autorisé comme l’ont décidé Ibn Rajab et d’autres. Mais si son contenu est interdit (paroles qui appellent à la corruption) alors ce n’est pas autorisé. Sachant que ce n’est pas parce que c’est autorisé que tu dois en écouter tout le temps, au contraire il ne faut pas en écouter trop souvent, ni s’en occuper plus que l’on s’occupe de choses bénéfiques, ni leur donner plus d’importance à eux qu’à l’écoute du Quran et l’apprentissage de la science islamique ( al-‘ilm), wa Allahu l musta3an. » [9]

En effet, c’est sur la même démarche argumentative que le Sheïkh el-Albani رحمه الله qui arrive aux mêmes conclusions :

« Si ces anâshîd ont des significations islamiques et qu’ils ne sont accompagnés d’aucun instrument de musique tels que les tambourins, tambours et autres, il n’y a aucun mal en cela. Toutefois, il faut absolument mentionner une condition essentielle pour le permettre, à savoir que cela doit être dénué de transgression religieuses, telles que l’excès et autres.

Il y a aussi une autre condition, il ne faut pas le prendre comme habitude, car cela détourne ceux qui l’écoutent de la récitation du Quran dont l’exhortation est stipulée dans la Sounnah prophétique pure. Cela les détourne également de l’apprentissage de la science profitable et de la prédication.
Quant au fait d’utiliser des tambourins avec les anâshîd, cela est permis pour les femmes entre elles, mais pas pour les hommes, durant l’Aid et au cours d’un mariage uniquement. » [10]

A la première version de cet article une question à été posé au Sheïkh Raslan حفظه الله en ces termes afin de s’assurer de la bonne compréhension de la parole du Sheïkh Ibn Baz رحمه الله que nous avons cité plus haut, le Samedi 18 Mars 2017 :

« As-Salam aleykum wa rahmatu llahi wa barakatuh ô Sheïkh.
Suite à cette fatwa (celle d’Ibn Baz), met-il permis d’écouter de temps à autres des nasheed sans délaisser l’écouter du Quran et je précise que ces nasheed sont sans instruments etc jazak Allahu kheyran ô Sheïkh.

– wa aleykum as salam wa rahmatuLlah wa barakatuh. Il n’y a pas de mal si les conditions mentionnés par le Sheïkh dans la fatwa sont respectés.

– Désolé notre Sheïkh, une dernière question : si j’écoute ces chants et que j’en fais une distraction qui m’aidera aussi à la prononciation de la langue arabe sans bien sûr délaisser le Quran je re précise ? »

– Il n’y a pas de mal avec les conditions instaurés par le Sheïkh le savant Ibn Baz. » [11]

Il paraît clair que les anâshîd réunissant les conditions posés par le Sheïkh Ibn Baz, sont licites et peuvent être écoutés. Comme signalé auparavant Sheïkh e-Fawzan, les anâshîd ne doivent pas être prit comme moyen d’adorer Allah comme le font les soufis égarés. C’est ce que nous rappelle le Sheïkh Fawaz el-Madkhali حفظه الله, questionné de la même façon que le Sheïkh Raslan :

« Wa ‘Aleykum as-Salam wa rahmatu llahi wa barakatuh.
Les anâshîd que les soufis ont innover et avec laquelle les sectes se rapprochent de la religion (yatadyan) et par laquelle ils se rapprochent de Allah : alors cela n’est pas permis de les écouter et il faut s’en méfier.
Et cela ne fait parti de ce que le Sheïkh Ibn Baz رحمه الله mentionne selon ses paroles. » [12]

C’est aussi ce qu’explique le Sheïkh Shatri.[13]

Donc il est formellement interdit de suivre la voie des soufis égarés qui est : avoir l’intention de se rapprocher d’Allah par les anâshîd, ils ont en fait une adoration qui n’a jamais été légiféré.
En réalité les anâshîd (réunissant les conditions) permis d’écouter, ne sont pas une adoration mais sont dans le meilleur des cas, un moyen d’encouragement de faire le bien, de s’éloigner des maux etc; tandis que dans le pire des cas, ils sont une perte de temps.

Enfin, après avoir sélectionné quelques paroles de savants sur le sujet parmi tant d’autres, mais qui serait trop long et lourd pour le lecteur si le but était de ramener le maximum de paroles. Nous pouvons déjà conjuguer ces quelques paroles qui autorisent les anâshîd de la manière suivante :

1. Qu’ils ne comportent pas d’instrument de musique.
2. Qu’ils comportent uniquement des paroles saines (afin que cela mène vers une réforme, ou un encouragement).
3. Qu’ils ne soient pas prit comme un moyen qui rapproche d’Allah et donc en faire une adoration.
4. Qu’ils ne mènent pas à délaisser la lecture et l’écoute du Quran, et l’étude de la science islamique (el-‘ilm).
5. Qu’ils ne soient pas écoutés de manière excessive.
6. S’ils comportent du Duff, que ce soit en présence de femmes uniquement et seulement à l’occasion de l’Aid et d’un mariage.

Après cela, le minimum qu’on puisse faire c’est d’accepter le fait que certain(e)s veulent écouter des anâshîd sans en même temps les blâmer, critiquer et autres; qui en pus lorsque c’est fait, c’est fait avec dureté. On se doit de prendre du recule sur beaucoup de sujets et de ne pas condamner sur un sujet qui relève de l’Ijtihad.


[1] Rapporté par el-Boukharî.
[2] Fatwas Contemporaines, p.308 – Sheïkh el-Albani.
[3] http://ar.alnahj.net/audio/1788 ou https://youtu.be/unYqzF5M-n0
[4] http://www.binbaz.org.sa/fatawa/1695 ou مجموع فتاوى ومقالات متنوعة للشيخ ابن باز (3/ 437)
[5] Az-Zumar, v.23.
[6] Le Tonnerre, v. 28-29.
[7] Le Comité Permanent de l’Ifta, Fatâwâ Islamiya (4/532-534).
[8] https://m.youtube.com/watch?v=_eyQrds3VO0 ou https://youtu.be/lqyf9OhtuQs
[9] http://almoslim.com/node/53694 ou https://www.dropbox.com/s/0k1rhp8oy9knyue/Anashid-Abd-el-Karim-el-Khoudha%C3%AFr.png?dl=0
[10] Fatwas Contemporaines, p.308 – Sheïkh el-Albani.
[11] Screenshot Telegram
[12] Screenshot WhatsApp  
[13] https://www.youtube.com/watch?v=pOJ7Qi10laQ ou https://youtu.be/BKoHdd0X9y8

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